
Sauvons nos marchés !
Collectif créé par L’Institut pour la relocalisation de
l’économie et la Fédération d’agriculture biologique Nature & Progrès
Dès le 16 mai prochain, la directive 93/43/ CEE du Conseil du 14 juin 1993
relative à l’hygiène des denrées alimentaires (reprise en droit français dans
l’arrêté du 9 mai 95) rentrera en application, remettant en cause ces inestimables
lieux de rencontre et de convivialité que sont les marchés, dits « de plein
vent ».
Seront touchés de plein fouet les petits producteurs et artisans qui ne pourront
financer de leurs faibles revenus les lourds aménagements imposés par cette
nouvelle directive.
La disparition des petits producteurs
Pour eux, le problème majeur vient des nouvelles normes imposées dans la chaîne
du froid. En effet, excepté pour les maraîchers, la quasi-totalité des revendeurs
de produits transformés (fromages, pâtisseries, charcuteries, traiteurs etc…)
devront s’équiper en vitrines réfrigérantes. Sachant qu’il faut compter environ
33 000 francs pour une vitrine d’un mètre de long, imaginez l’investissement
que de telles installations représentent pour des petits producteurs qui gagnent
difficilement le Smic !
Sans compter que le transport de ces marchandises jusqu’au lieu de vente aura
un coût, lui aussi, rédhibitoire : le camion ou la remorque réfrigérante sont,
pour ces mêmes bourses, totalement inabordables !
De plus, ces investissements ne pourront pas être amortis puisqu’ils ne généreront
aucune vente supplémentaire… Cet arrêté ne tient aucun compte de critères pourtant
essentiels comme la viabilité économique des petites entreprises et met en péril
des produits de terroirs dont les qualités organoleptiques et les richesses
culturelles ne sont plus à démontrer (fromages au lait cru …).
Oui à l’hygiène, non à l’aseptisation
Les problèmes actuels de l’agro-alimentaire (listéria, poulets à la dioxine,
farines animales) sont liés à la grande distribution et questionnent davantage
la traçabilité des aliments dans ces grands circuits d’approvisionnement que
la chaîne du froid chez nos petits producteurs locaux. De plus, cette obsession
hygiéniste est une véritable catastrophe et nous pouvons nous questionner, justement,
sur la listéria qui sévit principalement dans les ateliers industriels sophistiqués.
N’assistons nous pas au résultat de l’obsession du principe d’éradication de
la vie microbienne avec son cortège de fragilités et de pertes d’immunité ?
L’hygiène oui, mais jusqu’où ? Est-on bien sûr de vouloir l’aseptisation ? Ne
peut-on comparer ces situations de risques avec celles encourues dans les hôpitaux,
qui par trop d'aseptisation, ont généré de nouvelles maladies, des faiblesses
immunitaires, des super-microbes ou super-bactéries ?
Les agrobiologistes particulièrement menacés !
La majorité des agrobiologistes pratiquent la vente, la transformation et/ou
l’accueil à la ferme, mais aussi la vente directe sur les marchés de plein vent
et les foires biologiques parce que ces activités à échelle humaine sont en
cohérence avec les règles élémentaires de l’écologie qui s’efforcent notamment
de maintenir le tissu rural en privilégiant les rapports de proximité (notions
de « circuits courts » et de « fruits et légumes de saison », économes en énergies
de transports).
Mais ces choix, dictés par des considérations humanistes, les rendent d’autant
plus fragiles face à la volonté de normalisation : tandis que la modestie de
leurs structures leur permettait d’échapper jusque là aux règles implacables
« du marché », les voici rattrapés par des directives aveugles qui risquent
d’entraîner leur élimination …« de nos marchés »!
Les petites communes ne pourront pas suivre
Les petites communes, quant à elles, devront assurer à chaque point de vente
un approvisionnement en eau et en électricité ! Que feront celles qui ne pourront
fournir à leurs « forains » ces nouvelles installations ? devront-elles renoncer
à leurs marchés hebdomadaires, points de rencontres essentiels et constitutifs
de la vie collective ? ou choisir de se mettre hors la loi ?
Sans oublier qu’esthétiquement ou architecturalement, ces installations «professionnelles»
risquent d’être souvent incompatibles avec la beauté de ces lieux de rassemblement
(places couvertes, rues pavées etc…), souvent chargés d’histoire ! L’alternative,
sauf pour celles qui n’en auront pas les moyens, sera-t-elle de reléguer les
marchés dans des halles froides, spécialement conçues à cet effet ? Fini les
marchés ensoleillés qui faisaient l’attrait touristique d’un grand nombre de
communes du Sud de la France : au frigo les marchés !
La mort des fêtes des écoles et des villages ?
Et oui, vous lisez bien ! Dans son délire hygiéniste, cette directive concerne
« la remise directe, à titre gratuit ou onéreux, de tout détenteur d’un produit
alimentaire à un particulier destinant ce produit à sa consommation » !
Traduction : fini les crêpes, gaufres et autres beignets fabriqués sur place
par les « parents d’élèves » et vendus sur des tréteaux pendant la kermesse
annuelle ! Si le stand ne se trouve pas alimenté en eau potable, chaude ou froide
et s’il n’est pas pourvu d’un système de conservation des préparations à «température
réglementaire», les fraudes pourront l’interdire !
Une directive dangereusement arbitraire !
Cela pose donc la difficile question de « l ‘arbitraire », car si l’on imagine
mal les kermesses et les fêtes de village interdites par voie légale, ce texte
de loi pèsera néanmoins comme une épée de Damoclès sur tous les évènements de
ce type, susceptibles à tous moments d’être « non conformes » et donc interdits
!
En vertu de quoi l’appliquera-t-on à telle manifestation plutôt qu’à telle
autre ? Et jusqu’où l’appliquera-t-on ? Sachant que les associations sont souvent
à l’origine des manifestations de ce genre, imaginez les dérives qu’une application
aussi « arbitraire » de la loi pourrait entraîner dans la vie démocratique !
Les normes qui vont être appliquées à partir du 16 mai sur les marchés de plein
vent sont le signe d’une volonté politique et économique de supprimer toutes
ces niches qui échappent à la grande distribution.
Cette dernière, qui souhaite voir ses parts de marché augmenter de 80% à 100%
ne peut que se réjouir de telles dispositions.
C’est pourquoi l’Institut pour la relocalisation de l’économie et Nature et
Progrès ont créé le collectif « Sauvons nos marchés » et lancent une pétition
nationale afin que cette loi n’entre pas en application. Ces associations interpellent
les autorités de l’Etat pour que nos marchés, nos foires et nos fêtes de villages
restent des lieux chaleureux, non aseptisés, riches en odeurs, en saveurs, en
échanges…et en sourires !
Rejoignez le collectif « sauvons nos marchés » et agissons ensemble pour qu’ils
continuent d’exister !
Véronique Gallais : Attac, tel : 06 87 86 37 85
Catherine Poulain, La Confédération paysanne, tel : 01 43 62 04 04
Arlette Harrouch, Nature et Progrès, tel : 04 66 03 23 40
Institut pour la relocalisation de l'économie : Agnès Bertrand, tel : 04 66
77 07 04
Fédération d'agriculture biologique Nature et Progrès, Arlette Harrouch, tel
: 04 66 03 23 40
Contact presse : Nelly Pégeault, tel : 04 66 03 23 42
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