Passerelle Eco : Global Ecovillage Network : Courrier de Lucilla Borio

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Lettre de Lucilla Borio

Torri Superiore, 23.07.1999

Chers écovillageois et habitués du réseau,

Je m‘appelle Lucilla Borio, je travaille à plein temps au Bureau du GEN-Europe, je suis fière de le faire et je serai heureuse de vous expliquer pourquoi. J‘écris cette longue lettre en partie comme réponse à la polémique initiée par les fondateurs d‘EDEN (Ethical Democratic Ecovillage Network) contre le GEN, et en partie comme une bonne occasion de clarifier notre politique financière pour toutes les personnes interessées. Il est grand temps que je donne mon opinion sur l‘attitude qui consiste à décrire le GEN presque comme l‘ennemi des mouvements écologistes dans le monde.

Dans un monde qui perd chaque jour des milliers d‘espèces, où le désert s‘empare chaque jour de milliers d‘hectares de terre fertile, où les organismes génétiquement modifiés se répandent à une vitesse effrayante avec peu ou pas de contrôle, où les accords sur l‘investissement comme l‘AMI transfèrent notre souveraineté nationale aux compagnies transnationales et nous transforment en marionnettes, où la couche d‘ozone se rétrécit à un niveau inconnu et sans précédent, où les ressources en eau et la production alimentaire diminuent alors que la population mondiale augmente, le GEN croit qu‘il n‘y a pas de temps à perdre.

Nous n‘avons pas de temps à perdre pour faire savoir au monde que nous, les écovillageois, nous sommes conscients de la tendance autodestructrice que porte la soi-disant société dominante. Nous menons des actions positives pour prouver qu‘un mode de vie différent est possible aujourd‘hui, que la durabilité ne signifie pas la misère et la frustation mais plutôt une existence responsable et engagée. Nous portons ce message dans notre esprit, dans nos mains, dans nos coeurs.

Le temps presse pour chacun d‘entre nous, et nous croyons en l‘unité et la coopération comme les instruments les plus puissants pour le changement de paradigme que nous voulons apporter à la planète. Le GEN a toujours été ouvert au dialogue avec ceux qui, comme Ross et Hildur Jackson, croient en ce besoin de changement. Ils ont participé à la fondation du GEN à la conférence de Findhorn en 1994 et ont été au premier rang du mouvement écologiste danois pendant des décénnies. En tant que fondateurs et militants du mouvement d‘habitat en commun, ils créerent Gaia Corp et Gaia Trust dans le but spécifique de soutenir le mouvement alternatif et la recherche sur les technologies vertes. Pendant de nombreuses années, ils ont injecté leur argent dans les technologies Gaia ( énergies alternatives, agriculture biologique, épuration des eaux...), dans les les villages Gaia ( en soutenant la naissance d‘écovillages dans le monde) et maintenant dans le GEN. Ross a même écrit des livres sur la longue et intense voie spirituelle qu‘il a suivie pendant des années, et comment lui et Hildur ont élaboré la vision globale qui ont donné naissance à Gaia Trust et à Gaia Corp.

Dans le contexte mondial actuel, Gaia Trust a décidé de passer immédiatement à l‘action et d‘appliquer le „principe d‘Aikido": utiliser la force de l‘ennemi pour le vaincre. Au GEN, nous employons les forces du système existant pour soutenir nos idéaux et pour opérer les changements à temps. Ross et Hildur n‘ont jamais nié ou caché le fait que Gaia Corp opère sur le marché des devises en offrant des services de gestion pour les investisseurs. L‘argent gagné par Gaia Corp est pompé hors du système et réorienté comme don vers le mouvement des écovillages.

Malheureusement, tous les fonds provenant de sponsors ou de donateurs importants ou de prêts publics viennent ou sont liés de près au marché dominant. Qui peut honnêtement dire que l‘argent de l‘Union européenne est 100% éthique? Ou l‘argent des gouvernements nationaux, au lendemain de la guerre du Kosovo? Peut-on accepter de l‘argent de leur part? Ou de la part d‘individus qui tirent leurs revenus de ces sources? Si nous regardons d‘assez près et établissons nos règles de certaine manière, la liste des provenances „non-éthiques" de l‘argent s‘étend et atteint tout le monde, simplement parce que nous vivons dans le même système. Le GEN essaye de construire un schéma différent, en utilisant l‘énergie du système actuel pour le changer; nous faisons des recherches sur les devises alternatives et avons un site internet à ce sujet à l‘adresse: http://.gen-europe.org/currency/index.html.

Serait-il plus réaliste de laisser l‘argent de Gaia Trust sur les marchés financiers si bien que des investisseurs sans principes pourraient le transformer en armes, substances chimiques et autres jouets similaires? Quel contrôle aurions-nous dès lors sur ces montants? Les Monsantos et Texacos font un travail très éfficace, et ne perdent pas de temps, parce que le temps, c‘est de l‘argent. Ils dévorent le monde comme un morceau de gateau, en espèrant que nous n‘ayons rien remarqué. Morceau après morceau, le gateau a vite fait de disparaître! Et quand il a disparu, il n‘y a de deuxième portion pour personne. Je trouve assez particulier de qualifier Ross Jackson d‘ennemi et de l‘accuser de controller le GEN, qui au contraire évolue vers une stucture de plus en plus démocratique, avec la participation de nombreuses personnes engagées partout dans le monde.

En même temps, le GEN-Europe croit qu‘il est important de diversifier au maximum les sources de revenus. Un travail intensif se fait actuellement dans les domaines de la collecte de fonds et de la création de revenus, y compris par la vente de biens et quelques initiatives nouvelles, comme le tourisme dans les éco-villages et les expériences de devise d‘écovillage. Ce processus demande du temps, et nous ne voulons pas prendre de décisions irresponsables qui pourraient blesser le GEN et mettrait en danger le travail qui a été réalisé dans le passé, mais plutôt trouver les mesures appropriées qui rendront le GEN plus fort et plus indépendant. Tout apport positif est bienvenu et sera évalué par le Conseil du GEN-Europe.

De plus, n‘est-ce pas l‘utilisation de l‘argent qui en détermine l‘aspect éthique, bien plus que l‘origine ? Les habitants d‘Auroville en Inde suivent les principes de Mère qui a déclaré „l‘argent appartient à ceux qui le dépensent". L‘argent est comme un feu dont l‘énergie peut consumer l‘univers s‘il n‘est pas dompté et utilisé de manière responsable au profit de tous; et alimenter la croissance d‘un réseau global d‘écovillage est un choix désinteressé. Dans un réseau, il n‘y a pas de dirigeant mais bien de nombreux partenaires: le GEN qui a débuté il y a des années par décision des 13 projets pilotes dans le monde édifie une structure coopérative de soutien mutuel où tous les voix peuvent se faire entendre. A nouveau, cela demande du temps et des efforts mais nous allons dans la bonne direction.

Si nous ouvrons les yeux et regardons l‘image globale du modèle de développement du monde, nous voyons qu‘il n‘y a pas de réponses faciles, noir sur blanc. Personne n‘a de baguette magique pour résoudre les problèmes instantanément. Personne n‘a les mains propres non plus: quand nous achetons de l‘essence pour notre voiture, quand nous allumons la lumière dans notre maison, quand nous téléphonons et utilisons Internet, nous avons une goutte de sang sur les mains, que nous cela nous plaise ou non. Nous sommes encore coincés dans ce système de fous tout en en construisant un parallèle avec d‘autres réfèrences et d‘autres valeurs. Nous ne montrons pas du doigt et nous ne préchons pas contre les mauvais, mais nous offrons une alternative viable et positive pour tous ceux qui sont prêts à écouter. Nous joignons nos mains avec d‘autres mouvements et d‘autres organisations, nous percevons la diversité comme une source d‘enrichissement plutôt que comme une menace. L‘union fait la force, et nous devons être forts car la tâche qui nous attend est presque écrasante.

Nous considérons que cette stratégie est la plus éfficace et presque révolutionnaire, et les résultats que nous obtenons nous disent que nous ne faisons pas fausse route. Le GEN opère maintenant au niveau mondial, des mouvements de base jusqu‘aux gouvernements nationaux et aux Nations Unies, dans tous les continents avec une grande variété d‘implantation humaine de tous les types possibles. La recherche de la durabilité est l‘élément commun à tous, quels que soient leurs choix spirituels, culturels ou sociaux que nous respectons toujours comme une expression de sagesse. Nous faisons confiance aux décisions des gens et nous ne voulons pas imposer une solution contre une autre, sachant que la biodiversité se développe comme une réponse à différents stimuli et à des besoins liés aux réalités locales. Personne ne détient la „seule et unique vérité", qu‘importe ce que disent certains, nous avons tous un morceau de vérité, et ensemble nous complétons le puzzle.

Je vois EDEN comme une autre organisation qui pourrait travailler de manière constructive dans la même direction et je crois qu‘il n‘y a pas besoin de concurence entre le GEN et EDEN. Etant conscient des menaces et des défis auxquels nous faisons face sur cette planète, nous essayons de regrouper nos forces avec tous les alliés possibles sur le front de la survie de l‘humanité et de la biosphère. C‘est pourquoi j‘estime qu‘il s‘agit d‘un sérieux manque de perspective de la part d‘EDEN de consacrer tant de forces à critiquer le GEN, qui a le même but mais qui choisit une stratégie financière différente et qui peut seulement bénéficier de la diffusion du concept d‘écovillage.

Puisque le GEN a été publiquement accusé par EDEN d‘être non-démocratique et non-éthique, j‘ai encore quelques mots à dire sur ces deux points.

A propos de la démocracie:

L‘accusation est due au fait que le Conseil Européen (élu par l‘Assemblée Générale ) a voté contre les demandes de Christina De Wilde d‘interrompre immédiatement les financements en provenance de Gaia Trust, sans qu‘elle ne donne aucune indication réaliste sur la possibilité de trouver des solutions alternatives. La décision fut prise démocratiquement, mais elle ne put accepter le fait d‘être en minorité. Les minutes de toutes les réunions ont été diffusées parmi tous les membres et publiées sur sur le forum des Ecovillages, et elles sont toujours disponibles sur demande.

A propos de l‘éthique:

Il n‘est pas surprenant que des personnes différentes aient des interprétations divergentes quand les termes „éthique" et „comportement éthique" sont discutés, et comme je l‘ai dit plus haut , je ne mets pas en cause le droit de quiconque d‘avoir des vues différentes des miennes. Néanmoins, je crois vraiment que la tolérance et le dialogue sont des instruments simples et faciles à utiliser, dont cette terre en souffrance a désespérément besoin. Je crois également qu‘au plus de gens mettront leur discours en pratique, au plus il sera facile de développer le respect mutuel. Il est facile de monter sur une estrade et de faire des sermons sur sa propre intégrité et de critiquer les fautes des autres. Dans ce cas particulier, le comportement des fondateurs d‘EDEN à l‘égard du GEN a, dans mon expérience, été moins qu"éthique" dans certaines circonstances, spécifiquement en relation avec les demandes et l‘utilisation de l‘argent de Gaia Trust ces dernières années.

Je suggère néanmoins que la meilleure manière de procéder n‘est pas d‘essayer de se déchirer l‘un l‘autre mais de se soutenir dans ce qui, en dernier ressort, est vraiment une perspective commune et partagée, à l‘extrême urgence. Pour se soutenir l‘un l‘autre, des lignes de communication claires, honnêtes et respectueuses doivent exister. Malheureusement, dans le passé, la communication d‘EDEN vers le GEN n‘a pas toujours montré ces qualités. Espérons que cela changera dans le futur.

Espérant contribuer au débat, je vous remercie pour votre attention.

Lucilla Borio.

Cette lettre a été rédigée en Anglais, sera traduite en Italien et en Espagnol et envoyée aux réseaux régionaux.

 

 

 

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