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Monnaie et Abondance Durable
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Sous le titre "l'argent
du Millénaire et l'Abondance Durable", Passerelle Eco
N°3 (printemps 00) a fait paraître un article qui me semble
tout à fait digne d'attention par l'originalité de son approche
et ses aspects positifs, mais aussi par ses limites qui me semblent représentatives
de celles de la plupart des réformes proposées par notre
société. ·
Mais ces 3 approches ne sont pas exploitées comme elles devraient, car elles ne sont pas conduites avec assez de rigueur et de détermination, de manière radicale (cad non pas extrémiste, mais qui va aux racines, aux causes profondes) |
En effet :
Même
si la monnaie recèle une part de "mystère", elle peut
être définie plus précisément par son mode de création,
par son rôle économique et par son rôle social.
Dans la
pensée orientale, le Yin et le Yang sont inséparables et étroitement
enlacés. Ils forment un tout : le Tao, et chacun d'eux inclut également
une part de l'autre de même que chaque homme porte en lui sa part féminine
(anima) et chaque femme sa part masculine (animus). Il m'apparaît donc
que Hildur Jackson (et donc Bernard Lietaer) ne sont pas fidèles à
cette pensée orientale à la fois dialectique et unitaire : ils
la dénaturent en l'interprétant selon le schéma dominant
de la pensée occidentale discursive et dualiste.
Sans définir
l'abondance, par rapport aux besoins réels des êtres humains (et
aussi - pourquoi pas ? - par rapport à leurs désirs les plus authentiques
: amour, compréhension, liberté,
), comment apprécier
l'efficacité d'une monnaie ? De même je crois utile de définir
le caractère durable de cette abondance : non pas faire reculer les échéances
écologiques et sociales de quelques années, mais établir
progressivement une économie d'abondance permanente.
Son rôle premier est de permettre les échanges de biens entre
les personnes et entre les groupes humains. En second lieu, il est de permettre
des échanges équitables en mesurant la valeur d'échange
de ces biens. Enfin, il est de mesurer la valeur de la production des biens,
donc aussi la valeur du travail effectué pour cette production.
Comme le dit Hildur Jackson, la monnaie doit aussi résulter d'un consensus
conscient de la communauté ( est-ce le cas pour nos monnaies actuelles
? )
Ainsi la monnaie est la représentation d'une richesse et la mesure de
celle-ci. Elle n'est nullement une richesse en soi, et n'est utile (ne "travaille"),
que lorsqu'elle sert à échanger. Par ces 3 fonctions intimement
liées, la monnaie permet de distribuer l'abondance, de répartir
les richesses en les diffusant.
Elle ne peut mériter le nom d'abondance que si elle assure en quantité
et en qualité la satisfaction des besoins fondamentaux :
D'abord
les plus indispensables : l'air et l'eau dont la qualité est primordiale
pour la santé.
ensuite
la nourriture qui entretient l'organisme
puis l'habitation
et les vêtements qui nous protègent
Enfin, les
besoins sociaux : déplacements (transports), culture, santé, éducation
Dans le cadre de la prétendue "économie" (= gaspillage !) actuelle, certainement pas ! Pourtant les techniques qui permettent de la réaliser existent. L'ensemble de ces techniques - depuis celles de l'agriculture synergétique jusqu'à celles du développement personnel en passant par celles des énergies renouvelables - constitue la permaculture, la civilisation durable, permanente.
La dimension Yin de l'être (féminin) est son côté intuitif, concret et individuel, et aussi son aspect 'repos', ce qui en économie me semble être la consommation. La dimension Yang de l'être (masculin) est son côté rationnel, abstrait et général et aussi son aspect activité, ce qui en économie me paraît être la production.
Dans la nature, Yin et Yang alternent régulièrement, se générant mutuellement car chacun porte en lui le germe de l'autre et loin de s'y opposer brutalement, s'unit à lui sous une infinité de formes. La sagesse consiste à retrouver leur unité fondamentale, le tao, cette "harmonie invisible" qu'avait déjà découvert en occident Héraclite, contemporain de Lao Tseu, mais aussi du bouddha Gautama et de Zarathoustra .
Ecoutons Héraclite :
L'harmonie invisible surpasse celle qui saute aux yeux.
L'opposition crée la concorde. De la discorde naît l'équilibre suprême.
En changeant, chaque chose trouve son repos.
L'homme ne saisit pas qu'en se contredisant, les choses s'accordent
Dieu est jour et nuit, hiver et été, guerre et paix, satiété et privation,
La nature du jour et de la nuit est une,
Sur la circonférence d'un cercle, le commencement et la fin se confondent
C'est parce que le Yang est coupé de ses liens au Yin qu'il se dénature et perd ses fonctions originelles, ce qui mène les monnaies "à la centralisation, à l'accumulation par un petit nombre qui investissent dans des biens à court terme", et fait qu'elles "entretiennent leur rareté et créent la compétition".
Bernard Lietaer et Hildur Jackson ont compris que ces monnaies ne satisfont pas les besoins économiques, mais leur prise de conscience ne va pas jusqu'à la compréhension que ce ne sont plus de vraies monnaies mais de fausses monnaies.
Très vraisemblablement les premières monnaies qu'a connu l'humanité furent des monnaies de type Yin telles celles décrites par Marcel Mauss dans "L'essai sur le Don" (potlach , Kula , ) ce qui n'a rien d'étonnant, puisque les éthnologues s'accordent à dire que ces sociétés furent matristiques .
Elles consistent en accord de don réciproques. Ces monnaies incluent un aspect Yang de mesure implicite selon une échelle de valeurs reconnues socialement. Elles s'appuient aussi sur des objets symboliques : coquillage, objets d'art, bijoux. Celui qui est le plus généreux reçoit le plus en retour et en retire en outre un grand prestige.
Les monnaies de type yang se sont développées avec le travail des métaux, les villes et les états. Elles dominent dans l'antiquité et au moyen-age. Ce sont essentiellement des monnaies métalliques à valeur arithmétiques (poids et/ou unité monétaire). Elles sont créées et définies par un pouvoir politique : c'est le droit régalien de battre monnaie. Les monnaies métalliques ont un coût (extraction du métal, fonte et moulage) et sont en quantités limitées d'où la nécessité des impôts. Elles ont une valeur en soi : celle du métal à laquelle on peut ajouter le coût de fabrication.
De même comme la monnaie n'a plus aucun support matériel, la croyance que la monnaie est une valeur en soi est dénuée de tout fondement.
Malheureusement pour les populations de ce siècle qui s'achève,
ces croyances anachroniques et néfastes continuent à se perpétuer,
entretenues par les financiers avec la complicité des politiciens et
des prétendus économistes : ignorance ? mauvaise foi ? sans doute,
mais surtout conformisme, lâcheté, peur de sortir des cadres établis,
de perdre sa situation
Lire
l'article "Monnaies et Abondances Durable" de Bernard Lieater |
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